Préface des Éditions de Londres
« La cruche » est une comédie en deux actes de Georges Courteline et Pierre Wolff créée en février 1909 et jouée à la Comédie française en 1919. C’est une adaptation au théâtre de la nouvelle de Courteline : « J’en ai plein le dos de Margot. »
C’est la dernière pièce de Courteline, avec un ton peut-être plus grinçant que dans ses autres pièces.
L’argument
Dans une maison de vacances à Chennevières, Lauriane est impatient de savoir s’il a reçu les palmes académiques. Il est avec sa jeune maîtresse, Margot, qu’il malmène dans son énervement. Quand la voisine, Camille, les salue par-dessus la clôture, il la fait entrer et tente sans succès de la séduire.
Le peintre Lavernié, dont Camille est la maîtresse, arrive de Paris pour annoncer à son ami Lauriane qu’on ne lui a pas décerné les palmes. Lauriane, par dépit, fait une scène à Margot, puis accuse Lavernié de vouloir séduire Margot et lui dit que lui n’en veut plus et que Lavernié peut en faire sa maîtresse.
Lavernié semble se laisser finalement convaincre et l’on retrouve Margot dans l’atelier de Lavernié à Paris. Lauriane vient chez Lavernié pour récupérer Margot qu’il aime vraiment et il lui propose de se marier. Camille arrive également chez Lavernié et comprend que celui-ci a pris Margot pour maîtresse.
Margot finit par se faire convaincre de repartir avec Lauriane. Lavernié affirme à Lauriane qu’il n’a jamais touché Margot, c’est pour le punir qu’il a joué cette comédie.
Résumé de la pièce
Le premier acte se passe dans une maison de vacances à Chennevières.
Lauriane attend de savoir s’il aura les Palmes académiques et reproche à Margot de l’avoir fait venir dans ce trou où l’on ne peut pas trouver l’Officiel.
Camille, la voisine, passe devant la clôture et Lauriane lui propose d’entrer et la courtise ouvertement devant Margot bien que sans succès.
Enfin, la bonne Ursule donne une dépêche à Lauriane venant de son ami Lavernié. La dépêche dit : « Vu le ministre. L’affaire est dans le sac. J’arrive. » Lauriane est alors tout joyeux et court orner sa boutonnière du ruban.
Même dans sa joie, il continue à houspiller Margot parce qu’elle ne montre pas suffisamment d’enthousiasme.
Dans la conversation, on découvre que Camille connaît bien Lavernié, c’est son amant.
Lavernié arrive, il embrasse tendrement Margot. On sent qu’il est morose : « Oh ! moi, mon bon, je suis comme beaucoup d’autres : je deviens vieux tout doucettement. Je m’éveille tous les matins avec un jour de plus que la veille, et j’en pleure de rage jusqu’au soir. À part cela, je relis les lettres des maîtresses qui m’ont trompé et des amis qui m’ont trahi ; je compte mes rides du bout de mon doigt en me regardant dans la glace, et quand j’ai une minute à moi, je retouche mon testament, ou j’y ajoute un codicille. Enfin, je me distrais, quoi ! Je m’amuse. »
Lavernié voit que Lauriane arbore le ruban des palmes et lui dit de l’ôter. Puis, dès qu’ils sont seuls, il lui affirme qu’il ne les a pas obtenues et découvre qu’il y a eu une erreur dans la dépêche, on a remplacé « Dans le lac » par « Dans le sac ».
Lauriane est très dépité et c’est encore Margot qui lui sert de souffre-douleur.
Lavernié reproche à Lauriane la façon dont il traite Margot et la défend avec chaleur. Lavernié avoue qu’il aime beaucoup Margot et que s’il ne lui fait pas la cour, c’est parce que Lauriane est son ami. Alors Lauriane lui affirme qu’il en a assez de Margot et que Lavernié peut le prendre comme maîtresse : « Sache donc, ceci pour ta gouverne, que j’ai plein le dos de Margot ; que ma liaison avec elle a plus que suffisamment duré, mes habitudes n’étant pas de m’éterniser dans le collage, et que, d’ailleurs, en fût-il autrement, jamais une femme, jamais – tu m’entends, à ton tour ? – ne me brouillera avec un ami. »
Lavernié se retrouve seul avec Margot qui vient de pleurer. Il essaye de la consoler et elle avoue qu’elle n’aime pas son amant, qu’elle est devenue sa maîtresse parce qu’elle n’a pas su lui refuser : « Je suis devenue sa maîtresse par la raison que je suis incapable d’être la mienne. Il voulait ; je ne voulais pas ; à la fin, j’ai bien voulu : voilà tout le roman de mes amours qui est, en même temps, toute l’histoire de ma vie. Je ne veux pas ; on veut ; à la fin, je veux bien : c’est aussi simple que cela. »
Margot est sur le point d’avouer qu’elle aime Lavernié, alors celui-ci oublie ses principes d’amitié et ils tombent dans les bras l’un de l’autre.
Le deuxième acte se passe à Paris dans l’atelier de Lavernié. Margot sortant de la chambre vient retrouver Lavernié.
Lavernié est en train de peindre et Margot le complimente sur son tableau. Lavernié est désabusé : « Le fait du véritable artiste n’est pas de se complaire en ce qu’il fit, mais de le comparer tristement à ce qu’il aurait voulu faire. »
Margot s’en va, elle veut rentrer chez Lauriane avant que celui-ci ne soit revenu du bureau pour éviter les histoires.
Avant qu’elle ne soit partie, Lauriane arrive pour rendre visite à son ami. Margot se cache. Dans la discussion, Lavernié finit par avouer que Margot est sa maîtresse mais Lauriane croit que c’est une plaisanterie.
C’est ensuite Camille qui arrive pour reprocher à son amant de ne plus la voir. Elle pense qu’il a une maîtresse et sent qu’elle doit être dans l’appartement. Elle se doute qu’il s’agit de Margot qu’elle avait vue être embrassée par Lavernié à Chennevières.
Lauriane, qui était sorti et qui attendait Camille revient furieux sachant que Margot est dans l’atelier. Lavernié lui rappelle qu’il lui avait dit de la prendre. Lauriane lui reproche de l’avoir pris au sérieux. Quand Lauriane lui dit que Margot lui paiera ça, Lavernié décide de garder Margot chez lui et laisse un quart d’heure à Lauriane en tête à tête avec Margot pour lui faire ses adieux.
Lauriane demande fermement à Margot de revenir chez lui, puis devant son mutisme, il s’adoucit et finit par lui proposer de l’épouser. Margot finit par accepter parce qu’elle ne sait pas refuser : « Tu veux m’épouser ? Épouse-moi. Cela me laisse indifférente et ce n’est pas, sois-en convaincu, la perspective du mariage qui me ramène entre tes mains dont je me croyais libérée. J’y reviens, parce qu’une puissance plus forte que toutes mes forces me donne l’ordre d’y revenir, parce que la nature m’a refusé le pouvoir de répondre : “Je ne veux pas” à quiconque me dit : “Je veux”. »
Lavernié accepte que Margot retourne avec Lauriane. Il affirme à Lauriane que c’était une mystification et qu’il n’a jamais été l’amant de Margot.